Voici un article qui était visible sur notre ancien site et que nous devons à notre regretté adhérent et ami Jacques SAUTER ; grand spécialiste du soldat de papier
C’est en Alsace et précisément à Strasbourg que le petit soldat de papier, peint à la main, découpé et monté sur plot, vit le jour.
Au XVIII° siècle, on trouvait déjà, chez plusieurs commerçants de la ville, des feuilles de soldats à découper et à peindre. En 1744, à l’occasion de la visite du roi Louis XV à Strasbourg, un certain Seyfried édita une série de planches commémorant l’évènement et reproduisant les costumes des corporations de la ville. Par la suite, d’autres éditeurs poursuivirent ce genre de publication, notamment les imprimeurs J.H. Heitz et Berger Levrault
En 1791, Jean Frédéric Striedbeck, graveur de son métier et s’intitulant « fabriquant de troupes peintes », éditait un choix de planches de petits soldats gravés à enluminer, pour « l’amusement et l’instruction de la jeunesse ». Mais il n’était pas seul et on trouvait aisément à Strasbourg tout un choix de feuilles gravées, ainsi qu’un assortiment de couleurs, pinceaux et toutes les fournitures nécessaires à la peinture.
La levée en masse de 1792, les campagnes de la Révolution, la Garde Nationale et le grand élan patriotique de l’époque, provoquèrent un accroissement important de l’édition de planches à sujets militaires. Bien qu’aucune planche de ce temps n’en porte la signature, il est certain que le dessinateur strasbourgeois Benjamin Zix participa à cette vogue de la figurine militaire.
Puis ce fut l’avènement de l’Empire et c’est à ce moment que commence véritablement la grande épopée du petit soldat de Strasbourg. Les rues de la vieille cité connaissent une animation extraordinaire et c’est un défilé ininterrompu des troupes les plus diverses de la Grande Armée. Les éditeurs s’en donnent à coeur joie et toute une série d’impressions est réalisée à l’intention des peintres amateurs de beaux uniformes. C’est à cette époque que naît la collection Boersch ; la plus ancienne qui nous soit parvenue dans son intégralité, mais malheureusement dispersée au feu des enchères en 1971.
La production se poursuit sous la Restauration et la Monarchie de Juillet et prit un essor important grâce à l’apparition de la lithographie. De grandes collections voient le jour. On cite volontiers Edouard Kratz ; maire de Strasbourg en 1850 qui mit sur plots un ensemble de 24.000 figurines. Le phénomène se poursuivit pendant tout le XIX° siècle et le musée historique de la ville de Strasbourg (malheureusement fermé pendant plus de dix ans) possède de magnifiques séries de cette époque (toujours pas visibles depuis la réouverture du musée). Il faut aussi noter l’apparition, sous le second empire, des feuilles de l’imprimerie Silbermann, plus tard Fischbach qui, imprimées en noir et en couleurs, dépassèrent de loin la production locale avec un tirage prodigieux pour l’époque de 130.000 feuilles par an.
Le phénomène « petits soldats » se poursuit jusqu’à la première guerre mondiale avec toujours autant d’amateurs passionnés. Les collections Carl, Boenwilwald, Wurtz sont là pour en témoigner.
Mais c’est surtout entre les deux guerres qu’apparut une nouvelle génération de collectionneurs influencée et dirigée par le maître Ganier Tanconville. Les Schneider, Klaenschi, Kopf, Speich ou Schilder créèrent à ce moment des ensembles qui atteignirent un niveau artistique incontestable, parfois très proche de la miniature, les peintres d’alors créant et dessinant eux-mêmes les sujets.
Après la deuxième guerre mondiale, les amateurs se raréfièrent pour n’être plus que quelques-uns, et de nos jours, les peintres de petits soldats de Strasbourg se comptent à peine sur les doigts d’une main.
Le temps n’est plus où l’on pouvait consacrer les longues soirées d’hiver à ce genre de travaux. Il serait pourtant souhaitable que cette tradition si typiquement strasbourgeoise ne disparaisse pas tout à fait et qu’elle trouve de jeunes émules pour reprendre le flambeau que s’étaient transmis avec tant de ferveur les collectionneurs d’autrefois.