C’est pour des raisons de politique intérieure, que le gouvernement de Charles X décide d’aller chercher la « gloire » par un succès militaire en Afrique du Nord. Les prétextes avancés sont la dette persistante, les actes de piraterie et l’insulte faite en 1827 au consul de France par le dey d’Alger. C’est une armée puissante forte de 37 000 hommes commandés par le comte de Bourmont qui débarque le 14 juin 1830 dans la baie de Sidi-Ferruch.
Mais dès la première année de conquête, la monarchie de Juillet demande au successeur du comte de Bourmont (rentré en France après la chute de Charles X), Clauzel, de réduire le coût des forces expéditionnaires, tout en autorisant le recrutement local. C’est ainsi que sont créées, en octobre 1830, les premières unités de zouaves montés qui sont à l’origine des spahis. La naissance de ces premières unités recrutées localement, pour pallier au coût élevé de l’entretien sur place de troupes amenées de France, concrétise la naissance de l’armée d’Afrique.
L’origine des régiments réguliers remonte donc aux premiers mois de la conquête de l’Algérie, ils ont émergé de part la volonté d’un dénommé Yusuf et d’un officier français arabisant, le commandant Marey de Monge. Yusuf est une figure « pittoresque et impitoyable », il est né vers 1808 à l’île d’Elbe. Enfant il a été enlevé par des pirates barbaresques, vendu au marché aux esclaves il est élevé dans la foi musulmane. Lors du débarquement français, il propose ses services au comte de Bourmont dont il devient l’interprète. Il se fait fort de rassembler un bon nombre d’anciens cavaliers turcs du dey et de former un corps de cavalerie indigène au service de la France. Avec ses cavaliers, il sera de tous les combats de la conquête, naturalisé français il termine sa carrière général de division et meurt à Cannes en 1866.
C’est autour de ces deux hommes que vont naître les premières unités de spahis. Ce terme va désigner, pendant plus d’un siècle, les régiments de cavaliers indigènes de l’armée française. Le terme spahi s’applique à tout auxiliaire indigène ou soldat mercenaire monté et il illustre clairement l’origine asiatique du mot cipahi qui va devenir par déformation « sipahi » puis spahi. Les Turcs désignaient par ce terme les cavaliers qui servaient dans le corps des cavaliers turcs du dey d’Alger. Par la suite, cette appellation est officiellement adoptée par les régiments de cavalerie indigènes recrutés par la France en Afrique du nord.
C’est en 1834 qu’est créé le premier régiment de cavalerie légère de spahis réguliers à Alger, d’autres vont être créés par la suite à Bône puis à Oran. En 1841, les trois régiments sont regroupés en un seul corps de spahis de 20 escadrons commandé par le lieutenant-colonel Youssouf. Ce n’est qu’en 1845 que l’organisation des spahis prend une forme plus durable, les 20 escadrons sont répartis en trois régiments : le 1er spahis dans la province d’Alger (tombô rouge), le 2ième spahis dans celle d’Oran (tombô blanc) et le 3ième spahis dans celle de Constantine (tombô jaune). La différence au niveau des tenues sera le changement de couleur des tombôs sur les boléros : rouge pour le 1er RS, blanc pour le 2e RS et jaune pour le 3e RS.
Les spahis sont engagés dès leur création dans les combats pour la conquête de l’Algérie. Ils vont être constamment présents dans les différentes opérations qui jalonnent la conquête de l’Algérie de 1830 à 1864. En mai 1843, plusieurs escadrons de spahis participent, sous les ordres du duc d’Aumale, à la prise de la Smala d’Abd el-Kader. Le courage et l’audace qu’ils déploient lors des combats sont exemplaires. En août 1844, à la bataille d’Isly sous les ordres du maréchal Bugeaud, ils mettent en déroute 25 000 Marocains. Lors de cet affrontement, ils démontrent qu’ils ne sont pas seulement une troupe de coups de main mais qu’ils font dorénavant partie des meilleures unités de la cavalerie française. Après la bataille, Isly sera inscrit sur les étendards du 1er RS et du 2e RS. Après cette date, le temps des grands engagements est passé pour les spahis en Algérie. Ils vont être employés à la pacification de l’Algérie et à la soumission des dernières tribus qui ne voulaient pas accepter la domination française. Cette tâche va durer jusqu’en 1864.
En plus du travail de pacification qu’ils effectuent en Algérie, les spahis sont engagés lors d’opérations militaires extérieures. En, 1854, un escadron de marche est formé à partir des trois régiments existant, il participe à la guerre de Crimée. Un escadron du 2e RS participe à la campagne de Chine en 1860, il s’illustre à plusieurs reprises contre la cavalerie tartare.
En raison de la grande estime qu’il porte aux spahis, l’empereur Napoléon III décide qu’ils doivent être représentés au sein de la Garde Impériale. 150 spahis issus des trois régiments vont faire partie de cette troupe d’élite.
Après avoir tant lutté sur le sol africain pour consolider la domination française, les spahis sont appelés à se battre en France pour la défense du sol métropolitain. Dans un contexte difficile, ils ont une conduite exemplaire et s’illustrent aux affaires de Meaux, Nanteuil-le-Haudouin, Patay, Savigny… Lors de la retraite de l’armée de Chanzy en janvier 1871, ils constituent l’arrière garde de la troupe et combattent face aux uhlans et aux dragons prussiens qui harcèlent les troupes françaises.
En 1871, les spahis sont définitivement entrés dans la légende, ils vont constituer jusqu’en 1962 une troupe redoutable et redoutée.
Uniformologie
L’officier Français de spahis sous le Second Empire d’après le règlement de 1858 (Le règlement de 1858 entérine définitivement des usages en pratique depuis le début des années 1850):
Tenue
· Dolman ou spencer orné de six brandebourgs (dans la pratique il y en a sept depuis son adoption en 1842)
· Fourragère en soie noire
· Galons de grade couleur or
· Képi bleu de ciel avec tresse de grade, fausse jugulaire et nœud hongrois sont couleur or
· Ceinture en soie cramoisie, glands et coulant en or
· Pantalon bleu de ciel à bande rouge très ample se resserrant en bas
· Pantalon de route garni de fausses bottes noires
· Caban en drap bleu de ciel, doublé de garance, avec tresses noires et galons de grades en or
· Capote de petite tenue bleu foncé en forme de tunique, sans plis ni fronces, avec parements et pattes de collet garance
· Ceinturon de grande tenue composé de cinq bandes bleu de ciel et de quatre en or, plaque carrée dorée et timbrée d’un croissant et d’une étoile entre deux feuilles de laurier
· Ceinturon de petite tenue en cuir noir verni avec la même plaque
· Dragonne de grande tenue en soie noire, gland et coulant en or
· Dragonne de petite tenue entièrement en cuir noir verni
Sources :
- A. Clayton, Histoire de l’armée française en Afrique 1830-1962, Paris, Albin Michel, 1994, 553p.
- Collectif , Carnet de la Sabretache : les Spahis, Paris, La Sabretache, 1982, 55p.
- Général (C.R.) R. Huré, L’Armée d’Afrique 1830-1962, Paris, Lavauzelle, 1977, 482p.
- Colonel (H.) R. Noulens, Les Spahis cavaliers de l’armée d’Afrique, Paris, Musée de l’Armée, 1997, 168p.
Matthieu